Annoncée dès 2017, la fin de la vente des véhicules thermiques en 2040 est maintenant actée dans la LOM de 2019. Si cette étape est salutaire, le transfert du thermique à l’électrique soulève pour autant plusieurs questions… et ne saurait constituer une fin en soi en termes de mobilité durable. 

L’horizon 2040 sans véhicules thermiques annoncé par la LOM est atteignable.

Les constructeurs n’ont pas attendu la publication de la loi et ont anticipé la décarbonation des transports, certains avec plus d’avance que d’autres. Le pas de tir d’une vingtaine d’années est suffisant pour engager ce changement à grande échelle, même pour les moins avancés. Plusieurs solutions pour y parvenir existent, comme la création de nouveaux modèles hybrides ou électriques et leur industrialisation à grande échelle (déjà en cours), la conversion du parc actuel thermique vers l’électrique (appelé retrofit), ou encore le développement d’autres sources de carburants (hydrogène, Gaz Naturel pour Véhicules GNV ou BioGNV, biocarburant).

Les véhicules électriques ont un impact limité en termes d’émissions de gaz à effet de serre, de polluants atmosphériques ou encore d’émissions sonores : 

  • Coté émissions de gaz à effet de serre : les émissions de gaz à effet de serre du véhicule électrique sont limitées aux phases de production, d’entretien et de fin de vie. La principale différence par rapport au véhicule thermique porte sur les émissions nettes lors de la phase d’utilisation qui, si la production d’électricité nécessaire à la recharge des batteries n’est pas issue de sources d’énergie fossiles, est de zéro.  
  • Coté émissions de polluants atmosphériques : le véhicule électrique n’émet pas de polluants atmosphériques à l’échappement. Il faut cependant noter que cela ne modifie pas les émissions de particules fines liées au phénomène d’abrasion (pneus, freins),  à l’origine de presque 90 % des émissions totales de particules fines pour les véhicules conformes aux dernières normes Euro en vigueur.
  • Coté émissions sonores : la motorisation du véhicule électrique est complètement silencieuse. Le seul son restant étant celui du bruit de roulement (contact chaussée/pneumatique). Un impact positif certes mais avec une externalité inattendue, celle de l’accroissement du risque d’accident. Pour pallier ce risque, l’Union Européenne prévoit d’obliger les nouvelles voitures électriques à émettre un son sous la barre des 20 km/h.

Comparativement à son homologue thermique,  le véhicule électrique est donc une formidable opportunité tant technologique, comportementale qu’environnementale. 

Pour continuer sur sa lancée et constituer une alternative satisfaisante aux véhicules thermiques, plusieurs points doivent encore être développés comme l’infrastructure de recharge ou améliorés comme la capacité de stockage, la vitesse de rechargement, le bilan environnemental et la recyclabilité  des batteries. 

L’utilisateur, pour le moment encore peu habitué à l’électrique, va devoir s’adapter. Une phase d’expérimentation sera nécessaire avant une adoption complète. Une offre simplifiée et généralisée lui permettra d’y voir plus clair, de se sentir rassuré, et une aide financière lui permettra de franchir le pas plus aisément. 

Le coût de l’évolution du parc de véhicules national vers le 100% électrique est estimé à 500 milliards d’euros sur 20 ans, soit 25 milliards d’euros par an en moyenne*, et  s’inscrit dans la démarche de transition énergétique nécessaire pour minimiser l’impact des conséquences liées au changement climatique sur nos sociétés. Un coût dérisoire face au coût de l’inaction estimé pour la France de l’ordre de 150 Mds € par an en 2050, selon l’OCDE**.

A plusieurs égards, les véhicules électriques semblent donc constituer une alternative prometteuse aux véhicules thermiques. Néanmoins il convient de ne  pas occulter la nécessité de changer en profondeur les pratiques de mobilité et de garder une vision systémique la plus large possible.

La capacité de production nécessaire pour répondre à la demande devra aussi se poser.

A ce titre la question des batteries, souvent pointées du doigt, est un bon exemple : même s’il est indéniable que de nombreuses améliorations sont régulièrement effectuées (production, efficacité énergétique et recyclage), de nombreuses problématiques subsistent.

L’une d’entre elle est la garantie de conditions sociales et environnementales d’extraction des matériaux qui soient viables et éthiques. En effet, ces conditions sont de plus en plus correctes, mais cela sera-t-il toujours le cas lorsque la demande atteindra 100% du parc national (contre 2% aujourd’hui) ?

C’est la logique de “massification”, de volume, de demande forte et croissante qui pose véritablement problème, ainsi que les risques d’effet rebond. Une attention particulière doit être apportée pour éviter ces derniers. Ce n’est pas parce que les véhicules électriques émettent moins et que les avancées en termes d’autonomie des batteries progressent, qu’il faut convertir l’intégralité du parc thermique en 100% électrique, sans se poser la question du nombre de véhicules qui circulent sur nos routes. Cela doit encore moins nous amener à accroître nos déplacements. 

Ainsi, le transfert du véhicule électrique vers le véhicule thermique ne constitue pas en soi une solution pérenne en termes de mobilité durable.

Si les véhicules électriques font bel et bien partie de la solution, il est primordial de revoir complètement nos pratiques de mobilité. Au-delà du fait de rouler “propre”, il convient de limiter nos déplacements et de privilégier des moyens de transports alternatifs (marche, vélo, transports en commun, train, covoiturage). 

Il est également indispensable de réintégrer la question de la mobilité dans une vision plus large de l’activité humaine voire de la vie sur Terre. Plus le périmètre sera grand, plus nous serons en mesure d’avoir une vision systémique, et donc plus adaptée et correcte, des choses.

 

David Fayolle, Manager du Pôle transport et mobilité, AJBD

*Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

**La transition énergétique : combien ça coûte ? combien ça rapporte ? 

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