Pourquoi si peu d’entreprises se sont engagées dans des actions de mobilité durable ? Connaître leurs difficultés permet de mieux savoir comment y répondre et de lever certains freins. De même, comprendre leurs motivations permet d’apporter une réponse plus adaptée à leurs besoins.
Contexte
Cet article fait suite à une étude réalisée auprès de 144 entreprises de Nouvelle Aquitaine (hors métropole bordelaise) qui ont déclaré avoir réalisé ou être en cours de réalisation d’un Plan de Mobilité. Ces entreprises emploient près de 33 000 travailleurs, soit 6% de la population active de ces territoires. Cette étude a été réalisée par l’APCC pour la DREAL Nouvelle Aquitaine. Les retours récoltés, riches d’enseignements, sont partagés ici sous forme d’article.
En Novembre 2019, seules 8% des entreprises obligées par la mise en place d’un Plan de Mobilité en Nouvelle Aquitaine avaient initié la démarche. Pourquoi étaient-elles si peu ? Pour celles ayant démarré le projet, quelles étaient leurs motivations ? Connaître les réponses à ces interrogations était essentiel. En effet, comprendre les difficultés et motivations des entreprises permet de trouver les bons leviers à activer pour accélérer la mise en oeuvre d’actions significatives en termes de mobilité durable.
Des difficultés diverses
Un manque d’information
Plusieurs entreprises ont déclaré manquer d’information, notamment sur leur obligation à réaliser un plan de mobilité, sur la méthode pour élaborer ce projet et sur la mise en oeuvre concrète du Plan de Mobilité.
Des référents parfois peu formés à la mobilité durable
En première étape, les entreprises doivent identifier en interne un référent mobilité, qui aura la charge d’animer ce dossier. Les référents plan de mobilité désignés sont généralement des référents qualité/sécurité/environnement, des membres de la direction ou des services RH, plus occasionnellement des responsables des moyens généraux, fleet manager. Un premier frein pour la bonne mise en oeuvre des plans de mobilité est que ces référents partent parfois de zéro en termes de connaissance sur la mobilité durable et ne savent pas vers qui se tourner pour initier correctement la démarche.
Un manque de moyens
Un autre frein majeur exprimé est celui des moyens alloués à la mise en place d’un Plan de Mobilité. Les entreprises déclarent manquer de ressources, humaines et/ou financières. L’entreprise peut également manquer des infrastructures nécessaires.
Une résistance au changement
Enfin, un frein à ne pas négliger souvent cité par les entreprises est le facteur psychologique : la résistance au changement de la part des salariés, qui ont du mal à faire évoluer leurs habitudes. Parfois le problème ne vient pas forcément d’un manque de volonté, mais tout simplement d’une organisation du travail qui rend difficile la mise en place de pratiques de mobilité douce. Par exemple, une organisation en 3*8 empêche les salariés de prendre les transports en commun en pleine nuit. Un emploi qui demande de nombreux déplacements professionnels rend également souvent dépendant de la voiture.
Toutes ces difficultés exprimées permettent de mettre en lumière certains besoins :
- Un besoin d’information et d’accompagnement : Comment établir le diagnostic ? Quels interlocuteurs solliciter ? Quels indicateurs prendre en compte ? Comment ajuster les actions réalisées et sous quels critères ?
- Un besoin de retours d’expérience : Qui a réalisé son plan de mobilité ? Quelles actions ont bien fonctionné? De quel modèle puis-je m’inspirer ?
- Un besoin d’entrer en négociation avec les bons interlocuteurs : qui est le gestionnaire du réseau de transport public ? Quelle est l’instance compétente ? Qu’est-ce qu’une Autorité Organisatrice de Mobilité ? Quelle est-elle sur mon territoire ?
De réelles motivations sociales et environnementales
Parmi les entreprises qui se sont lancées dans la réalisation d’un Plan de Mobilité, le respect pur et simple de l’ancienne réglementation, encore en vigueur au moment de cette étude, n’était pas la seule motivation. Ces entreprises se sont rendues compte qu’agir sur la mobilité de leurs salariés pouvait apporter d’autres bénéfices.
En termes de recrutement
Si l’accès au site de l’entreprise ne peut se faire autrement qu’en voiture (ou de manière difficile par d’autres modes de déplacement), cela limite l’embauche de nouveaux salariés. En effet, ceux-ci devront impérativement avoir le permis, ce qui élimine de potentiels candidats qualifiés pour le poste. Le coût de la mobilité peut également constituer un frein à l’embauche et un motif de turn over dans une organisation (poste avec rémunération modeste et éloignement au lieu de travail)
En termes de bien-être et d’efficacité au travail
Faire face à des embouteillages et des problèmes de stationnement de manière récurrente provoque du stress et affecte l’implication des salariés. Cela peut même à long terme provoquer de l’épuisement. Faciliter l’accès au site et participer au désengorgement des embouteillages est donc vu comme bénéfique.
En termes d’investissement des salariés : management social
Certains salariés utilisent déjà des modes de déplacements alternatifs à l’autosolisme, dans un souci environnemental, économique ou pratique. Ces salariés moteurs interpellent leur direction dans cette dynamique. Répondre favorablement à leurs sollicitations va dans le sens d’une prise en compte des enjeux de mobilité durable, et ce de manière pertinente puisque mieux ajustée aux besoins des salariés.
En termes de démarche RSE
Certaines entreprises construisent leur Plan de Mobilité dans le cadre de leur démarche RSE. Que celle-ci soit construite ou en cours de construction, le Plan de Mobilité est intégré à cette démarche. Il peut parfois même servir de point de départ.
En termes d’économies réalisées
En investissant dans un Plan de Mobilité durable, les entreprises sont amenées à faire des économies sur le long terme. C’est notamment le cas pour les entreprises qui possèdent une flotte de véhicules (coûts des véhicules, des cartes carburants, du télépéage, de la Taxe sur les Véhicules des Société…), et les facteurs de réduction des coûts financiers sont nombreux, qu’ils soient directs (frais de déplacement, indemnité kilométrique, versement mobilité, etc.) ou indirects (accidentologie, absentéisme…)
Quelques éléments clés de réussite
Pour qu’un plan de mobilité aboutisse dans les meilleures conditions, le soutien de la direction de l’établissement est indispensable. La motivation du référent « plan de mobilité » n’est pas à sous-estimer non plus. En plus de ces personnes clés, la communication est un élément fondamental : elle permet d’informer les salariés de la mise en place du plan, expliquer pourquoi, prévenir des risques routiers, informer sur l’offre de transport et sur les mesures prises par l’entreprise…La communication va contribuer à l’animation de la démarche.
Conclusion
Ainsi, si les entreprises expriment des difficultés à mettre en place des actions en faveur de la mobilité durable, celles-ci ne sont pas insurmontables. Il est également intéressant de constater que les entreprises voient un réel intérêt à adopter de nouvelles pratiques de mobilité. Un travail reste encore à faire pour leur fournir toutes les informations et bonnes pratiques dont elles ont besoin pour avancer. Travail d’autant plus important maintenant que la nouvelle Loi d’Orientation des Mobilités a été adoptée fin 2019.
Alicia Gory, en charge de l’enquête réalisée pour la DREAL Nouvelle Aquitaine, par l’APCC.