Note de positionnement du groupe de travail « Mobilité» de l’APCC

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1.Propos introductifs 

En France, le secteur des transports de personnes et de marchandises est responsable d’au moins 30% des émissions de gaz à effet de serre. Fort de ce constat, l’Association des Professionnels en Conseil Climat Énergie et Environnement considère que la mobilité est l’un des sujets prioritaires dans la lutte contre le changement climatique. Depuis plusieurs années, nous rassemblons au sein de notre collectif des experts en mobilité durable pour adresser cette question. 

Nous le constatons, la mobilité est un sujet qui fait l’actualité. Les confinements successifs n’ont fait que stimuler des questions qui préexistaient avant la crise sanitaire. La guerre en Ukraine fait ressurgir le spectre d’un choc pétrolier et d’une sobriété subie. Face au changement climatique, il nous faut transformer ce sujet abordé conjoncturellement de manière beaucoup plus structurelle.

 

1.a. Un enjeu multicritère …

Si la mobilité est souvent traitée comme un sujet à part entière, elle dépend en fait de l’organisation de la société dans sa globalité ; ainsi, le transport des personnes et des marchandises résulte de l’activité socio-économique, des besoins et des désirs de mobilité des individus, de la réglementation, de l’aménagement des espaces sur le territoire, des infrastructures ou solutions de mobilité existantes… Il n’est pas possible d’appréhender efficacement cette problématique sans prendre conscience de son intrication avec une multitude d’autres sujets : les impacts environnementaux au-delà même de la question climatique (usages des sols, pollutions, atteintes à la biodiversité…), la question de l’énergie et de son prix, les politiques publiques en matière d’aménagement du territoire, l’accès à l’emploi et la justice sociale, les libertés individuelles, les revenus des ménages… Le thème “mobilité” s’immisce donc dans tous les sujets liés à la transition et au climat. 

Rares sont les sujets comme ceux de la mobilité qui mobilisent à la fois les désirs d’une société tout entière et autant d’injonctions au changement. Une telle étendue et cette complexité nécessitent expertise, compétence et intelligence collective.

 

1.b…. symptomatique d’un paradigme ….

Les choix de mobilité sont également la conséquence d’un système de pensée qui s’inscrit dans une dynamique mondiale de croissance à pleine vitesse. Car c’est bien la course à la productivité, la monétisation du temps, la volonté d’en “gagner”, d’effacer les distances, qui a conduit les hommes à concevoir des moyens de transport toujours plus rapides et meilleur marché (du point de vue du client). Malheureusement, cette course à la technologie est synonyme d’augmentation de l’impact sur l’environnement. Elle a rendu possibles et même faciles certains déplacements qui n’étaient pas concevables auparavant et contribue fortement à l’explosion des mobilités. Pour envisager une activité humaine compatible avec les limites planétaires, nous devons réapprendre à ralentir, à accepter de consacrer plus de temps à certains déplacements et à ré-interroger les notions telles que celles de “temps perdu” et plus généralement le lien entre temps et argent. 

Les choix ou non-choix de mobilités sont socialement une marque d’appartenance à une communauté influencée par un imaginaire collectif construit par ceux qui ont le contrôle de la diffusion de l’information. Le principe “J’ai donc je suis”, couplé à un imaginaire collectif où la réussite est synonyme de voyages à l’autre bout du monde et de SUV, nous encourage à une sur-mobilité délétère à tous les points de vue.

Le changement ne pourra pas se faire sans la redéfinition de nouvelles significations, de nouveaux imaginaires collectifs, de nouvelles valeurs motrices de l’humanité et des sociétés ainsi que du repositionnement de l’argent comme un moyen et non une fin.

 

1c. … au service de la satisfaction des besoins.

Il est utile ici de distinguer “besoin” et “désir” et de trouver les réels besoins qui se cachent derrière les désirs exprimés.

Les besoins sont universels (ex : se nourrir) et il y a plusieurs manières de les satisfaire.

Un désir est une stratégie personnelle et concrète (quoi , comment) pour satisfaire un besoin (ex : manger des pâtes, manger une salade, manger de la viande, …). 

Plusieurs désirs/stratégies peuvent viser la satisfaction d’un même besoin et plusieurs besoins peuvent être satisfaits par une même action. Les désirs peuvent être manipulés.

Une fois démêléer le besoin du désir, il devient plus facile de trouver des stratégies concrètes plus sobre pour répondre au véritable besoin caché derrière les désirs exprimés.

La mobilité répond initialement à la satisfaction d’un besoin (se nourrir, être en sécurité, de liens sociaux, de divertissement, …). Elle est une stratégie, mais pas une fin en soi. 

C’est lorsqu’il y a confusion entre besoin et désir, que le choix du mode de déplacement est le plus délétère. Un individu n’a pas besoin de “vacances à l’autre bout du monde”, c’est un désir, une stratégie pour répondre à un ou plusieurs besoins qui peuvent être par exemple dans ce cas un besoin de repos, de dépaysement, de reconnaissance sociale, etc… 

Ainsi en reconnectant aux besoins, en lien avec les valeurs, on peut se poser la bonne question. Dans notre exemple, la bonne question n’est pas “avec quel moyen de transport aller dans cette île paradisiaque”, mais davantage “comment me sentir reposé, comment créer du lien avec les membres de ma communauté”, etc…

En se posant les bonnes questions, nous redevenons acteur de nos choix, dans la mesure des options qui s’offrent à nous.

Les valeurs viennent ensuite impacter la pondération des critères de choix. Il peut s’agir de l’analyse des coûts (financiers, temps, …), de la facilité d’accès, du confort/de l’agréabilité, de l’impact environnemental.

Sans prétendre à l’exhaustivité, nous proposons ici quelques principes qui doivent selon nous guider toute étude visant à transformer les mobilités pour les rendre plus compatibles avec les enjeux environnementaux.

 

2. Equation d’une mobilité la moins impactante possible

L’impact environnemental de la mobilité est le produit du nombre de déplacements par la distance parcourue, par la quantité d’énergie et par l’impact de l’énergie utilisée.

En premier lieu, avant de réfléchir au choix d’une solution de mobilité, il convient d’interroger le sens et la pertinence des usages visés, d’où l’importance de la capacité à différencier besoin et désir. 

Réinterroger le sens revient à se poser la question de pourquoi souhaite-t-on se déplacer et donc de déterminer les besoins qui seront satisfaits par ce déplacement.

Réinterroger la pertinence revient à se demander si d’autres stratégies peuvent répondre aux mêmes besoins de manière moins impactante.

Réinterroger les valeurs c’est prendre conscience du moteur de nos choix de manière à pouvoir aligner valeurs, besoins, et stratégie pour répondre à nos besoins.

 

2.a Diminution des nombres de déplacements, de leur fréquence, des distances parcourues.

La mobilité la moins impactante est celle que l’on ne fait pas.

Par ailleurs, elle peut être plus ou moins choisie (lieu de vacances) ou plus ou moins subie (lieu de travail imposé par l’employeur, de résidence, école, …). 

Elle est plus ou moins subie car elle résulte d’une organisation de l’espace qui tend à spécialiser les territoires par fonction (lieu de travail, lieu de résidence, lieu de commerce, lieu de loisir, etc.) et à augmenter les distances à parcourir. Le premier levier pour réduire l’impact des transports est évidemment la diminution des besoins de mobilité et la diminution des distances parcourues, notamment pour passer sous le seuil des monopoles des transports motorisés les plus énergivores. Cela passe notamment par la réorganisation des espaces aussi bien dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Cela passe aussi, par exemple, par le développement du télétravail qui permet de réduire la fréquence des déplacements domicile-travail, en veillant à ne pas entraîner d’effet rebond sur la distance.

 

2.b Réduire l’énergie consommée et privilégier les systèmes de transport avec l’impact le plus faible

Ce n’est qu’après avoir défini les conditions d’une mobilité raisonnée, mesurée, responsable, soutenable, qu’il convient de s’interroger sur les modes de transport les mieux adaptés et compatibles avec un monde durable. Deux aspects doivent être pris en compte : la quantité d’énergie consommée par kilomètre et par voyageur ou par kilomètre et tonne de marchandise transportée et les impacts environnementaux générés. Sur ce second aspect, il faut en particulier considérer les émissions de GES liées à la quantité d’énergie utilisée pour mouvoir un véhicule, mais il faut également prendre en compte celles qui résultent de la fabrication des véhicules et celles qui résultent de la construction des infrastructures. Le Bilan GES est l’un des outils indispensables pour analyser cette problématique. Au-delà, de l’impact climatique, il faut également prendre en considération les autres impacts : artificialisation des sols, pollution, biodiversité, etc.

3. Esquisse de réponse aux objectifs énoncés précédemment

Il n’y a pas de réponse systématique à la question du choix de mobilité adaptée à un territoire ou un type de territoire. Néanmoins, à partir des principes évoqués précédemment, nous pouvons dessiner une hiérarchie des mobilités en fonction de leur impact sur l’environnement :

  • Absence de mobilité ;
  • Marche à pied ;
  • Mobilités douces c’est-à-dire non motorisées ;
  • Transports en commun ;
  • Mobilités partagées ( covoiturage/ autopartage) ;
  • Véhicules légers avec énergie faiblement carbonée ;
  • Véhicules plus lourds avec énergie faiblement carbonée.

Pour chacune de ces catégories, les choix de types de transports ou de véhicules nécessitent une étude dédiée qui prenne en compte les infrastructures nécessaires, l’impact de fabrication, l’impact de l’énergie utilisée pour la mobilité. Les résultats de cette étude dépendront du contexte.

 

  • Conclusion

Nous le constatons, appréhender la question de la mobilité n’est pas une chose simple. Cela nécessite de prendre en compte une multitude de paramètres au-delà de la question vitale de la maîtrise des impacts environnementaux : l’organisation des territoires, les comportements des individus, les capacités économiques, les équilibres sociaux, etc.

Nos routes et nos rues sont les lieux où se met en scène la mobilité. Or, si nos routes sont aujourd’hui largement dévolues aux modes de transports dévorants toujours davantage de ressources et d’espaces naturels, l’APCC entend orienter son travail vers toujours plus de rationalité, d’équité et de tempérance. Pour avancer, tous les sujets liés aux mobilités doivent être abordés sans distinction, évalués, parfois confrontés. Cela nécessite une organisation rigoureuse, professionnelle et indépendante.

Comme elle le fait déjà depuis plusieurs années, l’APCC continue à mobiliser son réseau de professionnels du conseil en climat et mobilité durable pour évoluer et faire progresser la société sur les problématiques évoquées tout au long de cette note. 

 

Nous vous souhaitons une bonne lecture de ce document.

N’hésitez pas à aller consulter notre annuaire des membres, afin de trouver l’expert.e qui pourra vous accompagner dans votre démarche !

 

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