Déploiement 5G, Amishs et CO2….

Se connecter à internet par les données mobiles (4G) génère un impact carbone trois fois supérieur à une connexion filaire (fibre). Nous mettons à disposition une réflexion technique pour alimenter le débat autour de la 5G.

Le contenu de cet article ainsi que de la note technique correspondante n’engagent que ses auteurs, c’est-à-dire les membres de l’équipe d’Objectif Carbone. Les interprétations, positions et recommandations y figurant ne peuvent être attribuées aux membres de l’APCC.

Le numérique est globalement considéré comme un vecteur de croissance et un outil de la transition. Or son impact mondial en termes d’émissions de gaz à effet de serre ne cesse d’augmenter. Il représente autant que le trafic aérien aujourd’hui et bientôt autant que le trafic automobile. Au-delà des croyances et des dogmes, nous avons évalué l’impact carbone de la connexion à internet selon les technologies.

Dans le monde, les smartphones représentent désormais le principal moyen de se connecter à internet. Depuis un smartphone, il est possible de se connecter à internet avec le wifi (et un réseau filaire associé – câble, fibre…) ou bien avec les données mobiles (3G, 4G et bientôt 5G). Bien que les deux options soient possibles et semblent présenter peu de différence à l’usager (dans un lieu où le wifi est accessible en tout cas), le choix de son type de connexion n’a pas du tout le même impact carbone.

L’impact carbone du réseau filaire est relativement indépendant des volumes

La consommation d’énergie des technologies filaires (ADSL, câble, fibre) dépend peu des usages et des volumes de données transportés. L’impact carbone dépend avant tout de la construction des réseaux et de leur mise sous tension. En France, le linéaire de voirie est d’environ 1,1 million de km, avec une moyenne 40 raccordements par km. En retenant une hypothèse de 300 gCO2/ml de fibre (fibre et fourreau), et de 1 700 gCO2/ml de terrassement de tranchée, l’équipement de 1 km de fibre engendre 2 tCO2e. Nous obtenons donc 50 kgCO2/abonné, amorti sur une cinquantaine d’années, tout comme le réseau cuivre de France Télécom. Le poids carbone de l’infrastructure fibre est donc de l’ordre de 1 kgCO2/an/abonné.

La consommation énergétique du réseau mobile augmente avec le trafic

A l’inverse du filaire, l’impact carbone des connexions mobiles dépend fortement des usages. La 4G est émise via un réseau de plus de 46 400 antennes relais dont la consommation électrique dépend du trafic. A volume égal, un utilisateur de réseau 4G en France consomme environ 50 kWh par an, soit 10 fois plus qu’avec la fibre optique.

Le réseau français compte environ 50 000 supports, tous généralement équipés de 4 à 10 antennes émettrices, et amortis sur 20 ans compte tenu de l’évolution technologique (3G, 4G, 5G…). Une approche simplifiée permet d’évaluer à 500 000 tCO2e les impacts de son déploiement. Sur près de 70 millions de téléphones portables, l’impact carbone du réseau mobile serait donc de 0,3 kgCO2e/an/abonnement, autrement dit trois fois moins qu’un réseau fibre.

Le poids carbone d’une heure de visionnage en 4G dépend de la qualité de la vidéo visionnée, il est de 165 gCO2 en HD (720p* – 3,5 Go) et de 1 700 gCO2 en 8 K (36 Go). Pour comparaison, le bilan carbone d’un smartphone sur une année est d’environ 20 kgCO2e. Le visionnage d’un seul film en 8 K en 4G représente un dixième du bilan carbone annuel d’un smartphone (fabrication, consommation et fin de vie).

L’heure des choix

Dans le monde, la consommation électrique du numérique équivaut à la production éolienne. L’éolien a connu une croissance de 20 % par an en moyenne sur les 10 dernières années. Autrement dit, la production éolienne a été entièrement absorbée par le développement du numérique, et n’a pas servi à la transition du mix mondial.

Soutenir par ailleurs, à tout prix et sans réflexion préalable, le développement d’une technologie dont l’usage est dépendant de la consommation d’énergie est contraire à toute politique de sobriété.  Le coût carbone du déploiement de la 5G comprendra également le renouvellement de la flotte des smartphones et le déploiement d’objets connectés dont l’impact à la fabrication (eau, énergie, épuisement des ressources, éthique) ajouté au faible recyclage des appareils actuels devraient avoir un impact global très significatif. Il est contradictoire avec la Stratégie Nationale Bas Carbone et les Accords de Paris de lancer le déploiement de la 5G sans en faire préalablement une évaluation carbone précise.

*Pixel – unité de résolution


Damien LINHART, Consultant, Objectif Carbone
Cette publication a bénéficié d’une aide financière de l’ADEME, néanmoins les propos n’engage que la responsabilité de l’auteur.

Pour en lire plus sur le sujet, vous pouvez consulter la note technique d’Objectif Carbone : Impact carbone de la connexion à internet.

Pour information, un nouvel article d’Objectif Carbone sur l’impact carbone de la vidéo vient d’être publié sur notre site !

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2 Comments

  • Grégoire Sanquer dit :

    Bonjour,

    J’ai lu votre article avec intérêt.
    J’ai remarqué que vous utilisiez les chiffres fourni dans le rapport de l’ Arcep : Réseaux du futur: l’empreinte carbone du numérique (2019)

    Par contre vous avez un contre-sens sur la phrase suivante :
    « A volume égal, un utilisateur de réseau 4G en France consomme environ 50 kWh par an, soit 10 fois plus qu’avec la fibre optique. »
    Le rapport de l’Arcep ne parle pas du tout de volume égal, mais d’usage actuel.
    Il est fort probable que 10 fois plus de volume passe sur le fixe pour une consommation électrique 10 fois moindre….

    Bonne continuation.

    • Damien Linhart dit :

      Bonjour Grégoire,
      Merci beaucoup pour votre remarque.
      Vous avez raison. A la relecture, la tournure de la phrase peut la rendre trompeuse.
      Une fois le réseau fibre optique installé et maintenu sous tension, il ne consomme presque plus rien, peu importe le volume de data transporté. A l’inverse la consommation du réseau 4G est complètement dépendante du volume transporté.
      D’après l’ARCEP, un utilisateur de réseau 4G en France consomme bien environ 50 kWh par an, soit 10 fois, qu’un utilisateur de la fibre optique. Comme vous le rappeler, ce n’est pas à volume égal et cela concerne le troisième trimestre 2019. Cette consommation évolue.
      Comme vous le suggérer l’impact à volume égal est en effet supérieur.
      Nous estimons, qu’à volume égal, la consommation énergétique par données mobiles est environ 20 fois supérieure à celle de la fibre.
      Pour un usage TV moyen, les émissions avec la fibre sont de 25 kgCO2/an (90% pour la box – fabrication et consommation), alors qu’elles sont d’environ 450 kgCO2 avec la 4G (1).
      Autre info, une consommation de 40 Go/mois en 4G représente de l’ordre de 25 kgCO2 par an.
      Ces données s’entendent sur le périmètre réseau uniquement (infra et conso) en France, hors fabrication de l’appareil, hébergement des données, conso d’élec du visionnage).

      (1) A remettre en perspective avec les objectifs individuels pour 2050 de 2 tCO2e par an (pour se loger, se nourrir, se déplacer et tout le reste) – mais d’ici là beaucoup de chose vont changer dans le secteur et dans d’autres!

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