L’impact du changement climatique sur l’environnement est maintenant bien documenté. En revanche, les conséquences du changement climatique sur la santé humaine sont encore peu connus et entendus. Pourtant, les conséquences sont réelles et multiples. Faisons un petit tour d’horizon de la question.

Rappelons en introduction que depuis le début du siècle, les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne font qu’augmenter. Leur concentration de plus en plus importante dans l’atmosphère génère des modifications climatiques qui, à leur tour, entraînent une série de phénomènes extrêmes :

  • augmentation des températures, y compris celle des cours d’eau, des lacs et de la surface de la mer,
  • augmentation de l’ensoleillement estival,
  • réduction de la durée de l’enneigement,
  • modification des vents,
  • acidification des océans,
  • développement de bactéries et champignons, d’où le besoin de traitements phyto-sanitaires,
  • vagues de chaleur, sécheresse, famines,
  • mouvements des sols,
  • incendies de forêts,
  • assèchement des mares et cours d’eau, baisse du niveau des rivières,
  • diminution des nappes phréatiques,
  • augmentation du niveau des mers,
  • inondations

Cependant, si le changement climatique et ses impacts sur l’environnement  sont maintenant bien connus des professionnels, leurs effets sur la santé humaine le sont moins.

Une catastrophe pour notre santé… et pour notre système de santé

Le changement climatique génère des modifications profondes de notre environnement, ce qui a des conséquences directes sur notre capacité physique à évoluer en bonne santé dans cet environnement. 

Pour illustrer ce lien entre changement climatique et santé, prenons l’exemple des cas d’asthme en France. L’asthme est une maladie respiratoire caractérisée par des crises, où la personne atteinte va soudainement souffrir de gêne respiratoire : essoufflement, respiration sifflante, toux. Ces crises peuvent être plus ou moins sévères, allant de la simple prise de médicaments à l’hospitalisation. 

L’asthme est directement lié à l’allergie : il est favorisé par la présence d’éléments allergisants (pollens, acariens, poils d’animaux) dans l’environnement de la personne asthmatique. Or, le changement climatique provoque déjà en France un allongement des périodes d’exposition aux pollens allergisants : les périodes de pollinisation sont plus longues et plus intenses. Le pourcentage de la population française touchée par des allergies au pollen a triplé en 25 ans. [1] 

Ainsi, nous avons plus de personnes allergiques et susceptibles de développer ou d’aggraver des symptômes asthmatiques et donc un besoin accru en suivi médical, en médicaments voire en hospitalisation. En effet, aujourd’hui en France, l’asthme touche environ 4 millions de personnes, est responsable de près de 60 000 hospitalisations et de 1000 décès.[2] En 2008, le coût annuel de l’asthme était estimé à 1,5 milliards d’euros… Alors qu’il concernait à l’époque “seulement” 3,5 millions de personnes ! [3]

Ce seul exemple de l’asthme n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des conséquences du réchauffement climatique sur la santé humaine. Bien d’autres problématiques sanitaires sont à relever à l’échelle mondiale : 

  • Explosion des maladies à vecteurs, 
  • Propagation des virus, 
  • Développement des maladies cardiovasculaires, 
  • Augmentation des problèmes de santé liés à la détérioration de la qualité de l’eau et de l’air (notamment intérieur)
  • Augmentation de l’exposition à des allergènes dans l’air, 
  • Essor de l’impact des rayonnements ultraviolet (cancer et cataracte)

Nous pouvons également ajouter à cette liste les problématiques sanitaires générées par les migrations de populations humaines forcées de quitter leur territoire à cause du changement climatique. Ces migrations seront de plus en plus nombreuses dans les années à venir. 

Ces différents facteurs laissent clairement présager des conséquences colossales sur notre système de santé. Une politique plus ambitieuse de réduction des émissions de gaz à effet de serre permettrait donc de prévenir l’explosion de ces maladies et des coûts que celles-ci vont engendrer (admissions à l’hôpital, dépenses en médicaments, jours de congés maladie). Il est donc urgent de prendre conscience des enjeux pour agir. Agir sur le réchauffement climatique, c’est aussi sauver notre système de santé et son financement. Il s’agit d’un acte politique nécessaire et préventif.

Focus sur une bonne pratique : actions de sensibilisation des professionnels de santé québécois 

Le Canada a mis en place une initiative inspirante : l’étude de l’Institut National de Santé Publique du Québec (INSPQ). Cette étude vise à  sensibiliser les professionnels de la santé aux impacts du climat sur leurs patients, après avoir constaté que les écarts de températures et autres phénomènes météorologiques qui y étaient liés, entraînaient une augmentation du nombre d’hospitalisations et même de décès.

Or, dans un sondage publié en 2015 par l’INSPQ et l’Université Laval,  65 % des médecins interrogés constatent que leur formation ne les avait pas préparés à affronter les conséquences sanitaires entraînées par les changements climatiques. D’où l’idée de pallier cette faille en publiant un document intitulé « Changements climatiques et santé : prévenir, soigner et s’adapter ». Élaboré par quatre médecins et chercheurs de l’INSPQ, il ne tardera pas à être mis à la disposition des médecins et infirmières d’abord, de l’ensemble de la population ensuite.

Une nouvelle approche

L’approche a consisté à envisager la problématique environnementale dans une optique différente. En effet, il ne s’agissait plus d’évaluer les effets directs provoqués par les inondations, la chaleur ou le froid sur notre environnement, mais plutôt de se demander quels étaient les effets de ces phénomènes sur la santé. Les auteurs se sont ainsi attachés à étudier quels sont leurs effets sur le système respiratoire ou le système cardiovasculaire. On comprend qu’il s’agissait de sortir d’une logique purement « climatique » pour entrer dans des considérations plus pratiques en termes de santé.

Ainsi ont-ils pu constater que les inondations avaient des répercussions psychologiques sur les victimes, les vagues de chaleur sur l’augmentation de la statistique des décès et/ou des maladies rénales, les vagues de froid et la glace engendrée sur le nombre de fractures par glissades bien involontaires. 

Il est aussi apparu que les changements brusques de température au sein même de l’hiver augmentent les risques sanitaires. L’organisme humain, quand il est sain, n’est pas adapté à des changements de température de l’ordre de 10 à 15 degrés sur un délai de quelques jours. Pour les organismes plus fragiles ou déjà malades, l’impact peut se révéler d’autant plus dangereux. Ainsi l’INSPQ a établi qu’une diminution de la température hebdomadaire moyenne de 10 degrés Celsius (vague de froid) augmente le risque d’hospitalisation ou de décès de 7%. Une autre étude datant de 2008, citée dans le document, révèle qu’une diminution d’un degré augmente le nombre de décès par maladie respiratoire de 3,3%.

Les médecins et les infirmières sont les plus à même de percevoir le danger et d’informer leurs patients des précautions à prendre lors de vagues de chaleur ou de périodes de grand froid. Il est donc extrêmement important de les sensibiliser sur ce sujet. 

Avec cette démarche, les québécois cherchent à intégrer la dimension du changement climatique dans leur pratique et leur formation, une initiative dont la France pourrait s’inspirer ! 

Pour donner envie d’agir, connectons les indicateurs climats aux indicateurs sanitaires 

La problématique du changement climatique est bel et bien une problématique sanitaire avant tout. En effet la planète n’a pas besoin de nous, en soi, c’est bien de l’humanité et de la vie humaine dont  il est question. “Sauver la planète” veut surtout dire “conserver au maximum les éléments indispensables à la vie humaine avec la meilleure santé possible”. 

Afin de mieux intégrer l’impact sanitaire du changement climatique dans les stratégies des organisations, il apparaît donc pertinent de changer d’axe de lecture pour se focaliser sur des indicateurs dont l’impact est aux plus près des réalités terrains.  Par exemple, nous pourrions transformer les tonnes eqCO2 en « maladies évitées », en « années de vie gagnées », ou en en « hospitalisations évitées »…etc. 

Nous considérons que la pédagogie mise en œuvre depuis 20 ans sur ces sujets n’a pas produit la prise de conscience nécessaire au passage à l’action. Exprimer à un chef d’entreprise, à un président d’association, à un maire que l’activité de son organisation a généré plusieurs tonnes de CO2, ne parle à personne à part à une poignée d’experts…cela reste de l’entre soi !

Exprimer et démontrer à une organisation que « réduire de 30 % les consommations d’énergies fossiles permettra de réduire les maladies cardiovasculaires, l’asthme, les maladies de l’appareil respiratoire, les cancers » aura une toute autre portée…

Olivier TOMA – Agence Primum Non Nocere

Cette publication a bénéficié d’une aide financière de l’ADEME, néanmoins les propos n’engagent que la responsabilité de l’auteur.

[1] Source : Impact sanitaire du changement climatique en France (p32) – Institut de Veille Sanitaire

[2] Source : Comprendre l’asthme – Ameli

[3] Source : Coûts de l’asthme en France : modélisation médico-économique par un modèle de Markov – EM Consulte

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