Depuis 2015, le Fonds Vert Climat (Green Climate Fund, GCF) dispose d’un capital important : deux capitalisations successives d’environ 10 milliards de US$ chacune. Ces ressources, en application de l’Accord de Paris, sont destinés à la réalisation de projets à caractère climatique dans les pays en développement, et le Fonds recherche des appuis institutionnels, des ressources humaines, des compétences et des capitaux complémentaires pour leur mise en œuvre. Pour une entreprise candidate – porteur de projet, cabinet de conseil, institution financière, expert(e) indépendant(e) – il est important de comprendre l’architecture et les principes de fonctionnement du Fonds afin de se positionner judicieusement et d’avoir des chances de s’exporter à travers ce canal international. 

Le « US Climate Leaders Summit » du printemps 2021 a ravivé l’émulation et l’esprit de concurrence autour de la mise en œuvre de l’Accord de Paris, après les 5 ans de morosité qui ont suivi le retrait des Etats-Unis, annoncé en pleine CoP de Marrakech. Cette bouffée d’oxygène sur la scène internationale des engagements climatiques a recentré les feux de la rampe sur le Fonds Vert Climat, le principal instrument financier issu de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. La plus importante des institutions financières focalisée uniquement sur le climat, espère capter maintenant un investissement record de la part des Américains, afin de le redistribuer au bénéfice de projets d’adaptation et de réduction d’émissions dans les pays en développement. La France a apporté deux contributions significatives au Fonds en cohérence avec les objectifs de l’Accord de Paris. La CoP26 à Glasgow a également été l’opportunité de rappeler l’importance des enjeux financiers et le rôle clé des institutions financières en soutien à la transition énergétique, climatique et écologique.

Au-delà de ces considérations politiques générales, comment concrètement un acteur français, entreprise, cabinet de conseil, bureau d’étude, ONG, expert indépendant, peut-il s’insérer dans les circuits du GCF ? Comment proposer des demandes de financement, concevoir des projets éligibles, gagner des contrats et des marchés, se positionner ? En quoi l’expertise française (ou plus largement francophone) présente-t-elle une valeur ajoutée ?

Comprendre l’architecture et le fonctionnement du Fonds 

Le GCF est un organisme supranational multilatéral : les 185 pays membres de la Convention Climat y sont représentés à travers les 24 membres du Conseil d’Administration, une moitié en représentation des pays développés, l’autre moitié de pays en développement. Son siège et unique bureau, situé en Corée du Sud, héberge environ 250 employés. 

Dans l’architecture mondiale de la Finance Climat, le GCF se positionne en haut de la pyramide, comme un organisme de refinancement qui déverse ses ressources dans tous les pays en développement à travers un réseau de partenaires, sélectionnés au terme d’un audit exhaustif, l’Accréditation. Actuellement, 113 institutions de tous pays (environ la moitié en provenance de pays en développement) sont accréditées, c’est-à-dire habilitées à faire des demandes de financement pour des projets climatiques [1]. L’AFD et la Banque Mondiale, par exemple, sont des entités accréditées, au même titre que des banques nationales. Il existe également un autre statut, celui de « partenaire de prestation », pour gérer des dons inférieurs à 1 million d’Euros [2] destinés au renforcement des capacités en matière d’intégration du changement climatique dans les politiques publiques et les investissements privés dans les pays récipiendaires. 

Pour entrer dans le giron du GCF, il conviendra alors de passer les étapes et accéder à l’un de ces statuts, ou alors d’approcher le réseau des partenaires déjà opérationnels avec le Fonds et se positionner auprès d’eux. La démarche d’approche est en conséquence plutôt atypique et très décentralisée. De façon marginale, le GCF recrute également quelques consultants indépendants ou des cabinets de conseil, les postes sont disponibles sur le site [3].

Comprendre le cycle de demande de financement et de conception de projet

Seules les institutions accréditées au GCF sont en position de formaliser des demandes de financement et de les soumettre au Fonds, au cas par cas, pour chaque projet. Le processus d’approbation est relativement long du fait de la double revue, par les équipes du Fonds et par un Panel indépendant. A ce jour, 190 projets ont été validés [4]. Les projets peuvent s’inscrire dans huit « aires de résultat » dans lesquelles la composante climatique est l’axe central du projet ou un élément transversal : production et accès à l’énergie; transport; forêts et usage des terres; bâtiments, villes, industries et équipements (pour la réduction d’émissions); sécurité sanitaire, alimentaire et accès à l’eau; moyens de subsistance des populations et communautés; infrastructures et constructions; écosystèmes et services écosystémiques (pour l’adaptation).

Les entités accréditées font appel à des cabinets de conseil ou des experts indépendants pour la formalisation puis la réalisation des projets qu’elles ont à charge, et pour cela lancent régulièrement des appels d’offres internationaux. Les compétences en bilan GES, plans climats territoriaux, travail en réseau avec les collectivités, sont particulièrement prisées, ainsi que les spécialités sectorielles (énergie, forêt, agriculture…).

L’importance de la composante secteur privé dans les projets

Dans le but de créer un impact sur l’économie réelle et d’éviter de déverser des ressources dans des projets qui s’éteindraient à la clôture des budgets, le GCF cherche à diversifier ses instruments financiers et à minimiser les dons au profit des prêts, participations en capital, ou garanties. Une équipe d’appui au montage de projets privés est à disposition pour aider à construire des propositions rentables et « bankables », il s’agit de la « Private Sector Facility ». Le GCF a repris le concept de “blended finance” (financements mixtes ou hybrides) promu par la Banque Mondiale, qui consiste à investir un minimum de fonds publics catalytiques, destinés à couvrir le risque et ainsi attirer des capitaux privés complémentaires.

La notion d’« appropriation nationale » (par les pays en développement)

Du fait de la composition de son Conseil d’Administration, le Fonds cherche d’une part à garantir que les projets émanent de besoins locaux/nationaux, et à faire participer au maximum des parties locales (entreprises, banques, emplois locaux) dans la mise en œuvre. Ce positionnement est relativement nouveau et alternatif, en comparaison avec l’organisation plutôt centralisée des autres bailleurs de fonds. Dans les faits, ce positionnement politique est garanti par une série de procédures qui impliquent des avis, accords, interactions, signatures des autorités locales, et des processus de consultation exhaustifs des besoins locaux auprès des institutions et populations, des risques climatiques et des données scientifiques.

Ces procédures sont garantes de la bonne assimilation des projets par les pays récipiendaires, mais requièrent de nouvelles habitudes de travail, plus collaboratives et participatives que les pratiques habituelles de la coopération.

Conclusion et ouverture sur d’autres fonds, CIF, GGF etc…

Du fait de l’importance des budgets mobilisés, le GCF présente une opportunité de positionnement pour les entreprises françaises, en particulier les cabinets de conseil. Les procédures sont cependant relativement lentes et fastidieuses (environ 2 ans pour l’approbation d’un projet).

D’autres Fonds climatiques ou verts sont présents, en particulier les CIF (Climate Investment Funds) de la Banque Mondiale, le Fonds pour l’Environnement Mondial (également issu de la Convention Climat, mais plus modeste et généraliste que le GCF). Chacun de ces Fonds dispose de sa propre architecture, ses formulaires, ses fenêtres d’accès, ce qui requiert un investissement personnel. Le Green for Growth Fund [5], par exemple, Fonds de capital européen qui investit dans les énergies renouvelables dans les pays voisins de l’Europe est géré par un partenaire spécialisé dans l’investissement à impact, Finance in Motion [6] qui fait également appel à un vivier de consultants auprès duquel il est intéressant de se faire référencer.  

En conclusion, le Fonds Vert Climat présente des opportunités importantes du fait de sa capitalisation et de la place centrale qu’il tient au sommet de l’architecture mondiale de la finance climat. Il développe cependant ses activités selon un business model novateur et différent des organismes traditionnels de la coopération et il convient de se familiariser avec le réseau des institutions accréditées pour se positionner habilement. Les compétences qui se sont développées en France et en Europe pour la décarbonation de l’économie et les plans climat des territoires sont très pertinentes et méritent d’être exploitées à l’international par ce canal. Bon vent !

Stéphanie Capdeville – P3Value

Cette publication a bénéficié d’une aide financière de l’ADEME, néanmoins les propos n’engage que la responsabilité de l’auteur.

Liens utiles :

[1] Entités accréditées – https://www.greenclimate.fund/about/partners/ae

[2] Partenaires de prestation – https://www.greenclimate.fund/readiness/partners

[3] Postes disponibles – https://www.greenclimate.fund/about/procurement

[4] Projets de financement validés – https://www.greenclimate.fund/projects

[5] Green for Growth Fund – https://www.ggf.lu/

[6] Finance in Motion – https://www.finance-in-motion.com/

 

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