Contribution APCC au débat public sur la Programmation Pluriannuelle de l’Energie
le 06 Juillet 2018
Vendredi dernier, l’APCC a posté en ligne sa contribution au débat public concernant la Programmation Pluriannuelle de l’Energie. La voici ci-dessous :
“L’énergie la plus propre est celle que l’on ne consomme pas”.
Alors que le débat public sur la Programmation Pluriannuelle de l’Energie 2018 touche à sa fin, l’APCC souhaite rappeler les enjeux dont il est question et la nécessité de définir, mettre en place (et suivre !) des actions ambitieuses afin d’espérer pouvoir atteindre, d’une part les objectifs fixés par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV), mais aussi et surtout l’ambition internationale en terme de limitation des impacts carbone. Le renouvellement de la PPE, en articulation avec la Stratégie Nationale Bas Carbone, est nécessaire pour l’ajuster régulièrement afin qu’elle soit en accord avec les objectifs fixés, à savoir : la « neutralité carbone de la France en 2050 ». L’atteinte de cette ambition nécessite de revoir fondamentalement nos comportements, cela passe par la mise en œuvre de mesures beaucoup plus ambitieuses, en particulier en s’appuyant sur le scénario AMS 2018 et en gardant une vision globale des enjeux environnementaux et sociaux de la consommation et de la production d’énergie. Alors que des acteurs français continuent aujourd’hui d’investir dans les énergies fossiles, l’effort national doit se concentrer avant tout sur la diminution des besoins, en particulier dans les deux secteurs les plus énergivores sur le territoire, le transport et le bâtiment. L’énergie la plus propre est celle qui n’a pas besoin d’être produite.
Des mesures beaucoup plus ambitieuses sont indispensables pour atteindre les objectifs
Pour commencer, il est intéressant de citer le travail réalisé par le ministère en charge de l’Environnement qui construit tous les deux ans des scénarii prospectifs énergie-climat-air qui reflètent les mesures déjà adoptées (scénario AME « Avec Mesures Existantes ») (source : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/scenarios-prospectifs-energie-climat-air ). Ce qui ressort de l’AME 2018 (France), est que nous sommes très loin, d’après les scénarii tendanciels, de l’objectif de « neutralité carbone » visé en 2050. Il est évident qu’il faut penser à des mesures qui soient réalisables et réalistes, mais étant donnés les enjeux dont il est question aujourd’hui, il est en fait impératif de prendre des décisions et mettre en place des actions ambitieuses dès aujourd’hui si la France souhaite respecter ses engagements, d’où l’importance du renouvellement de la PPE.
Une fiscalité carbone à renforcer de manière prononcée selon un calendrier annoncé
Un scénario « AMS 2018 » (« Avec Mesures Supplémentaires ») préconise donc un certain nombre de mesures, certes relativement « contraignantes », mais permettant d’atteindre les objectifs de réduction d’émission de GES français. Il faut tout de même noter que la France est déjà, sur certains points, dans une bonne dynamique, avec par exemple un prix de la Contribution Climat Energie, la composante carbone dans la TICPE et autres TIC en augmentation, validé avec la Loi Finances 2018 (voir tableau ci-dessous, source : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/fiscalite-des-energies ). Il s’agit là d’un signal assez fort, qui mérite de continuer à s’affirmer. A noter que l’AMS 2018 préconise une trajectoire à 225 €/tCO2 en 2030, 400 €/tCO2 en 2040 et 600 €/tCO2 en 2050. Alors que la Contribution Climat Energie augmente de 10€ environ par an (voir tableau), il s’agit d’accélérer le rythme à partir de 2022, avec une augmentation de plus de 17€/an. Cette mesure est d’autant plus intéressante et forte qu’elle a été prise alors que le cours du baril du pétrole, et donc le coût de l’énergie, est plus élevé qu’en 2015 / 2016.
C’est donc un signal très positif sur la fiscalité énergétique, encore faut-il prendre en compte les secteurs qui sont encore exonérés aujourd’hui, et en particulier le transport de marchandise.
La production d’énergie ne doit pas accaparer tous les débats
Le développement de la production d’énergie renouvelable en France répond à un certain nombre d’enjeux importants : sécurisation de l’approvisionnement d’énergie et limitation de la dépendance à l’énergie fossile, croissance du secteur industriel des Énergies Renouvelables, emplois, santé et environnement, cohésion sociale et territoriale, et ce d’autant plus que cela concerne de nombreuses formes d’énergies (électricité, carburant, chaleur…). La difficulté est que l’accent est souvent trop mis sur la production d’électricité, alors que les enjeux carbone sont en grande partie ailleurs (consommation de carburants d’origine fossile pour la mobilité, de fioul ou de gaz pour le chauffage… les deux plus gros postes d’émission de GES en France). D’autant plus que deux points majeurs restent encore à expertiser pour prétendre à une production d’électricité 100% EnR : (1) le stockage et (2) l’adaptation du réseau de transport d’électricité nécessaire pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande. En effet, la synthèse de la PPE 2016 disait « Préciser d’ici la prochaine PPE les besoins de flexibilité du système électrique à l’horizon 2023 et 2030 et identifier les leviers de flexibilité les plus pertinents au plan technique et économique ».
En parallèle, le débat sur le nucléaire en France a toute sa place dans une Programmation Pluriannuelle de l’Energie, notamment à cause du contexte de fin de vie de certains de nos réacteurs. On déplore cependant que le débat souffre parfois d’être trop focalisé sur cette question de production d’électricité, et il est important de ne pas perdre de vue les enjeux carbone les plus importants, liés à la mobilité, à l’alimentation et à l’agriculture, à la performance des bâtiments, à l’urbanisme, etc. Garder cette vision globale est indispensable pour bien cibler les points à améliorer.
Rappelons en effet que la part de la production énergétique en France représente environ 10% des émissions des GES françaises 2016 (source : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/suivi-strategie-nationale-bas-carbone ). Il s’agit ici de l’inventaire national d’émissions de GES (format CCNUCC), qui ne prend en compte que les émissions sur sol français, et non pas les importations liées aux consommations des français (qui ne sont pas des moindres et mériteraient d’être prises en compte afin d’estimer l’impact réel des français !).
L’enjeu prioritaire, bien défini pendant la PPE précédente, est bien de réduire drastiquement la consommation d’énergies fossiles en s’attaquant aux différents niveaux, que sont la maîtrise de la demande énergétique, la production d’énergie (et son transport, notamment en ce qui concerne le réseau électrique), et l’approvisionnement en énergie. L’énergie la moins émettrice de GES sera toujours celle qui n’est ni produite ni consommée !
Il nous semble donc important de ne pas perdre de vu les objectifs que la France s’est fixés en termes de réduction d’émissions de GES, qui demandent une implication forte, et des mesures concrètes et ciblées, qui doivent être réfléchies en terme d’efficacité de réduction des émissions par euro investi !
Garder une cohérence d’ensemble
Enfin, il est primordial que la PPE s’articule intelligemment avec la SNBC, mais également les autres stratégies nationales : bien que l’indicateur GES soit fondamental à prendre en compte étant donnés les enjeux climatiques actuels (et nous sommes bien placés à l’APCC pour le dire !), il ne faut pas rester monocritère dans ses décisions, au risque de faire des choix assez contestables si l’on s’intéresse aux autres externalités des projets. On peut citer quelques exemples, comme le fait de laisser des énergéticiens importer des sommes colossales d’huile de palme alors que le secteur de l’agroalimentaire se fait pointer du doigt pour des quantités cumulées de cette même huile moins importantes : bien que l’importation massive d’huile de palme permette d’avancer dans ses objectifs de la PPE 2016 d’augmentation de la part de carburants renouvelables, il est important que la France garde une vision globale des enjeux environnementaux et sociaux. De la même façon, en ce qui concerne la méthanisation, le process est bien évidemment très intéressant pour valoriser des déchets puisque l’on en tire du biogaz pouvant servir à la production d’électricité, chaleur, carburant… Mais attention à ne pas basculer et faire devenir la méthanisation un « appel à déchets » ou favoriser un modèle agricole par ailleurs très émetteur de GES. La question se pose également pour les agriculteurs qui produisent des biocarburants à partir des grandes cultures. Toutes ces actions permettent de réduire, au moins en première approche, l’impact carbone d’un périmètre donné, mais il est important de toujours avoir en tête les seuils acceptables et les limites à ne pas dépasser (« combien » d’énergie au détriment des cultures comestibles ?), et de les avoir anticipées en amont afin d’éviter de potentiels effets pervers. A cet égard, les démarches de type « analyse cycle de vie » sont des outils pertinents pour garder une vision globale du problème et les solutions qui peuvent y être apportées. L’évaluation environnementale des plans programmes et projets nous permet de mettre l’accent sur ces éventuelles incohérences.
Finalement, quels que soient les choix pris à l’issue de cette PPE, les décideurs et parties prenantes devront continuer de minimiser leurs impacts, dans l’optique d’assurer la survie à long terme de leur propre activité. Il sera également nécessaire d’accélérer la montée en compétence de chacun sur la connaissance et la maîtrise de ses impacts, GES mais également environnementaux au sens large.