La course à l’échalote des comparatifs intermodaux
La problématique de l’excès global des émissions de polluants dues aux transports alimente des querelles sur les moyens qu’il serait préférable de substituer aux autres pour un même usage de mobilité. De multiples sources et documents contradictoires revendiquent la supériorité environnementale d’un moyen sur un autre, comme animés d’une permanente course à l’échalote. Comment arbitrer sans s’égarer dans la contre-productivité ?
Dans le domaine des courtes distances, les transports en commun urbains ont un bon facteur d’émission, mais faut-il pour autant les développer quand ils ne sont pas rentables, signe de taux de remplissage faibles ? Les deux-roues à essence sont petits et légers, peu gourmands en infrastructure et en carbone, mais ils sont aussi très souvent largement plus polluants qu’une voiture…
Dans les moyennes distances, le transport ferroviaire comme la voiture électrique bénéficient d’un très favorable impact kilométrique, particulièrement en France métropolitaine où l’électricité est, en moyenne, peu carbonée. Pour autant, lorsque l’on s’interroge sur la nature de l’électricité supplémentaire qu’ils requièrent dans les cas où on les privilégie sur d’autres moyens qui ne croisent pas le réseau électrique, leur pertinence relative s’étiole. Quand ils justifient d’installer des logements loin des centres d’activité ou vice-versa, leur intérêt relatif chute.
Sur les longues distances, le transport aérien, sur un gros porteur récent, permet à un passager de consommer deux à trois fois moins de carburant par kilomètre que s’il était seul dans une voiture particulière. Les émissions de vapeur d’eau en haute altitude équilibrent la comparaison carbone. Mais quand on aborde le sujet du tourisme a-t-on bien soupesé sa capacité à franchir les océans, bien au-delà du rayon de parcours de la même voiture, décuplant ainsi l’impact global des vacances ?
Le transport maritime a un facteur d’émission des meilleurs en masse.kilomètre transportée. Mais les vacanciers en paquebot de croisière émettent bien davantage en avion pour se rendre aux escales. Quant aux marchandises, est-ce bien raisonnable de faire faire plus d’une fois le tour de la terre aux matériaux, pour terminer en produit quasi jetable ? L’enjeu est alors souvent de limiter notre dépendance envers ces petits dinosaures du quotidien que sont peu à peu devenus les transports motorisés !
Les évaluations carbone des transports motorisés sont donc remplies de paradoxes qui nécessitent, pour avoir du sens, une analyse globale de leurs alternatives et des effets rebond potentiels. Sans oublier de s’interroger au préalable sur la nécessité d’un transport puis sur la réduction de sa distance et de sa vitesse, elles requièrent du temps et du recul pour le choisir au mieux… sans occulter la pollution de l’air induite !
Laurent Castaignède , directeur de BCO2 Ingénierie, auteur de Airvore ou la face obscure des transports, éditions Ecosociété.
Source : Laurent Castaignède, Airvore ou la face obscure des transports, éditions Ecosociété, paru le 05 avril 2018, 25 € en librairie.