Retour sur 20 ans de rebondissements
Notre vie de prestataire carbone est une succession de phases d’inquiétudes et de soulagements. Tels les traders ou les accros à l’héroïne, nous sommes tantôt déprimés par les informations alarmantes, tantôt enthousiastes face à l’opportunité de réaliser l’impossible : éviter la catastrophe climatique annoncée.
En 1997, il y a tout juste 20 ans, l’adoption du protocole de Kyoto a été un premier soulagement. Il fut aussi la source d’une première inquiétude : il n’est entré en vigueur qu’en 2005, à quelques années de son terme. En ce début des années 2000, la France s’engageait dans la voie du facteur 4 (Plan Climat National, 2004) et promulguait une Loi de Programmation Energétique ambitieuse (Loi POPE, 2005). Malgré ce cadre officiel rassurant, l’inquiétude restait forte et les perspectives étaient sombres : la décroissance énergétique semblait quasi impossible. Elle était totalement improbable, les experts étaient inaudibles, nos arguments étaient tournés en dérision, etc. Dix ans plus tard, en 2015, la Loi de Transition Energétique confirme la trajectoire « décroissante » dans laquelle nous sommes engagés. Soulagement : la courbe de nos consommations s’est infléchie, et les enjeux énergétiques et climatiques sont désormais dans l’esprit de la majorité de nos concitoyens.
En 2007, la France connut une période d’euphorie écologique, lors du Grenelle de l’environnement. S’en est suivie une période de déception face aux décrets d’application inexistants ou vidés de sens. Mais des avancées ont néanmoins eu lieu. Depuis 2012, l’histoire s’est répétée. Nous avons connu le doute : le gouvernement allait-il tenir sa promesse de sortir progressivement du nucléaire tout en gardant le cap de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Comment le protocole de Kyoto, arrivé à son terme, allait-il être prolongé ? Chaque année, des informations déprimantes sur les problèmes et notre incapacité à les régler succèdent aux annonces rassurantes ou aux témoignages encourageants. Puis l’année 2015 a été marquée par la Loi de Transition Energétique et la COP21. Nouvelle phase d’euphorie. Puis rebelotte : des décrets d’application décevants ou inexistants, mais des bonnes nouvelles aussi, et des indicateurs globalement favorables à une transition jugée utopiste 15 ans auparavant.
En ce début d’année 2017, la publication du scénario négawatt nous a apporté son lot de bonnes nouvelles. La première d’entre elle est que l’histoire leur a donné raison. En effet, l’évolution réelle de nos consommations correspond à leurs scénarios précédents – les scénarios tendanciels « officiels » n’ayant pas prévu le point d’inflexion que nous avons connu. Les autres bonnes nouvelles sont que notre situation énergétique en 2050 sera meilleure que dans les précédentes versions, que la transition va créer des centaines de milliers d’emploi, que nos campagnes seront plus vertes et les villes moins polluées.
Durant ces 20 dernières années, nous avons donc connu beaucoup de rebondissements. Et même si certains soulignerons que nous avons pris beaucoup de retard, que nous ne sommes guère meilleurs qu’il y a 20 ans, force est de constater que nous sommes dans une dynamique très encourageante. Dans divers secteurs, ce qui était l’œuvre de pionniers il y a 15 ans est devenu la norme.
Ainsi, le défi de la réduction d’un facteur 4 de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 (nous n’en sommes plus qu’à 33 ans) reste plus que jamais possible et souhaitable.
Vincent Provot – Avenir 4