Entre gains d’efficacité et boulimie numérique, un grand besoin de transparence.
Les technologies se renouvellent vite, mais les gains sont en partie absorbés par la hausse du trafic de données. La réflexion autour de l’impact carbone du numérique progresse, bien que l’accès aux données reste difficile, y compris pour des agences publiques comme l’ADEME ou l’ARCEP.
L’impact carbone du numérique en France est estimé à 17 MtCO2e. Les datacentres sont souvent pointés du doigt pour être gourmands en énergie, or nous avons estimé leur impact carbone à moins d’1 MtCO2e, soit environ 5% du total. C’est en effet avant tout la fabrication des supports (smartphones, TV, ordinateurs) qui représente la grande part de l’impact carbone du numérique.
Les datacentres : l’impact carbone du Go téléchargé a été divisé par 13 en 10 ans
Une fois le contenu (texte, image, son, vidéo) créé, il est envoyé puis hébergé sur des datacentres.
Nous avons estimé les émissions des datacentres en 2021 en France à 900 000 tCO2e (dont 25% pour la consommation d’électricité, 2% pour l’immeuble et le reste pour les équipements IT). La performance et l’efficacité des serveurs, des disques durs et des systèmes de refroidissement des datacentres augmente plus vite que le trafic internet, ce qui a pour conséquence une réduction de l’impact carbone du Go téléchargé qui est passé de 130 gCO2e en 2012 à 10 gCO2e en 2022.
Évolution de l’impact carbone du cœur d’internet depuis 2012
Source : ARCEP, calculs Objectif Carbone
La diffusion filaire par le câble et l’ADSL : le réseau cuivre est déjà amorti
L’estimation du poids carbone d’une ligne ADSL repose sur la consommation électrique (1,8 W par ligne) et le poids carbone de l’infrastructure (qui est considéré comme totalement amorti). Pour cette infrastructure partagée qui fournit aujourd’hui à la fois internet, le téléphone et la TV, nous avons affecté 15% à la TV et au téléphone et 70% pour l’internet. Pour une durée moyenne de visionnage de 3h40 quotidienne, cela représente 0,1 gCO2e/h.
La diffusion filaire par la fibre optique : un réseau plus économe en énergie qui couvre 90% des logements
L’estimation du poids carbone d’une ligne filaire comprend la consommation électrique (0,5 W par ligne) et une estimation du poids carbone de l’infrastructure câble qui comprend le câble et sa mise en place dans des tranchées. D’après nos estimations, chaque raccordement pèse environ 54 kgCO2e. Amorti sur une durée de vie de 50 ans, cela revient à environ 1 kgCO2e/an/raccordement. Et sur la base de 15% alloué au visionnage de la TV en direct, nous obtenons environ 0,14 gCO2e/h.
La diffusion hertzienne : la Télévision Numérique Terrestre
Le bilan carbone du réseau TNT est estimé à environ 52 000 tCO2e/an, reposant sur la consommation d’énergie des infrastructures estimée sur la base du bilan carbone réglementaire mis à disposition par TDF et une extrapolation pour l’autre opérateur TowerCast et sur l’estimation du poids carbone de l’infrastructure. Le poids carbone du fonctionnement du réseau TNT pour regarder la télévision s’élève donc à 1 kgCO2e/foyer/an. Ramené à l’heure de téléviseur allumée (3h40), cela donne 0,8 gCO2e/h de visionnage.
La diffusion satellitaire : fabrication et lancement d’un satellite génèrent environ 40 000 tCO2e
Sur une approche sommaire à partir des données disponibles sur internet (qui a le mérite d’être concordante avec des données existantes mais confidentielles produites par des fabricants de satellites et de lanceurs que nous avons eu l’occasion de consulter), la fabrication et le lancement d’un satellite génèrent de l’ordre de 40 000 tCO2e. Il s’agit d’un satellite valant 270 M€ dont le prix repose essentiellement sur une activité d’ingénierie tertiaire d’une intensité carbone de 150 tCO2e/M€. En ajoutant son exploitation, un satellite génère donc 53 000 tCO2e sur son cycle de vie de 15 ans et alimente en moyenne 20 millions de foyers qui regardent la télévision en moyenne 3h40 par jour. Ramené à l’heure, cela représente 0,1 gCO2e/h.
La diffusion mobile : un besoin de transparence
La consommation électrique des réseaux cellulaires est aujourd’hui mal connue des acteurs institutionnels comme l’ADEME ou l’ARCEP. Dans une étude commune de 2022, (Évaluation de l’impact environnemental du numérique en France et analyse prospective), il est écrit « des travaux complémentaires seraient nécessaires pour approfondir ces résultats à un niveau plus granulaire. En effet, il n’a pas été possible lors de l’étude de disposer de données plus fines concernant la consommation des réseaux pour chaque segment ».
Mais en épluchant minutieusement et en recoupant les données des opérateurs, nous obtenons une consommation de 20 MWh par antenne 4G (valeur stable, calculée à partir des données du rapport RSE d’un opérateur français en 2018, 2019, 2020, 2021). Pour 95 000 antennes en service à fin 2022 en France, cela représente une consommation annuelle d’électricité de 1 900 GWh (soit environ 110 000 tCO2) et de 0,173 kWh/Go (valeur 3 fois inférieure à celle donnée par l’ARCEP en 2019), soit 10 gCO2e/Go. L’infrastructure, fabrication des mats et des antennes, pèse environ 14 gCO2/Go. Au total, l’impact carbone du visionnage de la vidéo en données mobiles est d’environ 24 gCO2e/Go (ce qui équivaut à peu près à 24 gCO2e/h pour des vidéos visionnées sur smartphone entre basse définition et 720p). D’après l’étude de courbes de charge d’antenne 4G, il semblerait que la variation avec le volume de données soit en réalité assez faible. Autrement dit, un abonnement 4G pèse environ 4 kgCO2e/an.
La réception et le visionnage : l’essentiel de l’impact carbone du numérique
Le poids carbone des équipements de visionnage est évalué pour deux composantes : la fabrication (méthode ACV – analyse cycle de vie) et la consommation d’électricité.
Émissions de GES des principaux équipements de visionnage
Source : Base Carbone, Objectif Carbone
L’impact carbone du visionnage varie entre les supports (une dizaine de gCO2e par heure pour un smartphone, contre plus de 60 gCO2e/h pour un téléviseur). Cet impact carbone est généré entre 80% et 90% par la fabrication du support. La consommation électrique des appareils étant peu significative en France (avec un facteur d’émission de l’électricité de 60 gCO2/kWh).
Synthèse des principaux résultats
Cet article est une synthèse de la note technique d’Objectif Carbone, intitulée « Vidéo : quel impact carbone selon les technologies ? » (février 2023). Les données détaillées sont disponibles dans la note technique, téléchargeable sur : http://www.objectifcarbone.org/wp-content/uploads/2023/02/Objectif_Carbone_Note_video.pdf