Quelles sont les solutions à disposition des Autorités Organisatrices des Mobilité pour favoriser et piloter la création, le déploiement et l’animation des plans de mobilité des entreprises localisées sur leur territoire ? Comment aider les entreprises à s’approprier le sujet, et les accompagner vers une mobilité plus durable ?
La Loi d’Orientation des Mobilités favorise la prise en compte de la mobilité au sein des entreprises… mais rend le suivi des Plans de Mobilité Employeurs par les Autorités Organisatrices de Mobilité plus complexe.
La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) a de nouveau pointé l’attention que porte le législateur à la mobilité d’entreprise, et notamment aux questions liées aux trajets domicile travail, en imposant le sujet de la mobilité au sein des Négociations Annuelles Obligatoires (NAO). Les entreprises doivent donc, plus que jamais, se préoccuper de ce sujet, notamment au travers de leur Plan de Mobilité Employeur.
Mais l’intégration de ce sujet au cœur même des négociations internes de l’entreprise – et donc du dialogue social entre salariés, syndicats et employeur – a également pour conséquence de faire perdre de la visibilité aux Autorités Organisatrices des Mobilité (AOM) sur les initiatives conduites – ou pas – par les entreprises opérant sur leur territoire.
En effet, le Plan de Mobilité Employeur (PDME), s’il peut toujours être obligatoire pour certaines entreprises du fait de la présence d’un Plan de Protection de l’Atmosphère (PPA) sur le territoire, devient un outil – certes très utile, mais non obligatoire au titre de la LOM – au service du dialogue social des entreprises.
Le plan de mobilité employeur reste le meilleur outil pour accompagner les DRH et les entreprises dans leurs négociations sur la mobilité.
Le sujet de la mobilité en tant que domaine de dialogue social dans le cadre des NAO est un nouveau sujet pour de nombreuses entreprises. En effet, si les principaux thèmes abordés dans ce cadre sont des enjeux sur lesquels l’historique et l’expérience des entreprises sont importants : la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée ; l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et la qualité de vie au travail ; la gestion des emplois et des parcours professionnels ; il n’en est pas de même pour le sujet de la mobilité.
Comment se déplacent les collaborateurs ? Quelles difficultés rencontrent-ils ? Quelles solutions souhaiteraient-ils voir mises en place par leur employeur ? Les réponses à ces questions sont généralement méconnues des entreprises, du simple fait qu’elles n’ont souvent jamais été posées.
C’est tout l’intérêt du Plan de Mobilité Employeur : cette démarche structurée s’avèrera extrêmement utile pour les parties prenantes des NAO, et notamment les responsables des ressources humaines. En effet, elle va permettre de réaliser un état des lieux :
- de l’existant : quelles solutions de mobilité sont disponibles, quels sont les flux de mobilité, quelles sont les lacunes identifiées ?
- des pratiques mobilités : quels sont les moyens utilisés par les collaborateurs pour se rendre sur leur lieu de travail, quelles difficultés rencontrent-ils, quelles solutions auraient un intérêt pour eux, comment se projettent-ils dans leur mobilité quotidienne pour demain ?
Même s’il n’est pas formellement obligatoire pour de nombreuses entreprises, le Plan de Mobilité Employeur est donc un outil utile et pertinent pour les accompagner dans le volet « mobilités » de leur dialogue social.
Les Autorités Organisatrices des Mobilités ont tout intérêt à favoriser la réalisation de Plans de Mobilité Employeur par les entreprises de leur territoire.
S’il est utile pour l’entreprise, le Plan de Mobilité Employeur est également un outil intéressant pour les AOM. En effet, il contribue à l’échelle d’une entreprise ou d’un groupement d’entreprises (association de zone d’activité ou club d’entreprises) à :
- favoriser les mobilités actives : marche, vélo, vélo à assistance électrique (VAE), engins de déplacement personnel motorisé (EDPM)…
- favoriser les mobilités partagées : transports en commun, covoiturage,
- éviter les déplacements, notamment par la mise en place du télétravail lorsque cela est possible.
La somme de l’ensemble des PDME sur un territoire peut donc permettre une réelle amélioration des conditions de mobilité à cette échelle.
Il permet également aux AOM un contact direct avec les employeurs qui peuvent ainsi, au travers de leur PDME, faire part à l’Autorité en charge des mobilités sur leur territoire de propositions concrètes d’aménagement ou d’amélioration, par exemple sur la desserte, les horaires, les infrastructures… Celle-ci bénéficie ainsi d’une visibilité plus « fine » sur les besoins et les solutions à apporter.
Enfin, il permet, en complément des études mobilité « classiques » utilisées par les AOM, d’éclairer les flux de trajets à l’échelle d’un quartier ou d’une zone d’activité. Il représente donc, lorsqu’il est exploité, une source d’information sur ces flux.
Enfin, on l’a vu, la mobilité est un réel sujet de préoccupation des entreprises, que ce soit en termes d’attractivité, de recrutement, ou simplement en termes de coûts ou d’occupation du foncier. Le PDME constitue donc un outil de dialogue de la Collectivité avec les entreprises de son territoire, au service du développement économique de celui-ci.
Comment les AOM peuvent-elles accompagner les entreprises dans la réalisation et le déploiement de leur PDME ?
Ces dernières années, plusieurs démarches ont été entamées par différentes AOM pour tenter de favoriser la réalisation de PDME par les entreprises de leur territoire. Elles consistent le plus souvent en la mise en place d’un service dédié à l’accompagnement des entreprises du territoire pour concevoir, réaliser, et animer leurs PDME.
Parmi les services proposés – ou qui pourraient être proposés – dans le cadre de ces accompagnements, les principaux portent sur :
La communication et l’information
Bien que la LOM soit en vigueur depuis plus d’un an, de nombreuses entreprises concernées par ses dispositions ne les connaissent pas – ou mal – et ne se sont pas encore saisies du sujet. Certaines par manque d’informations concrètes, d’autres par manque de visibilité sur les enjeux et les bénéfices d’un PDME. La diffusion régulière d’informations est importante sur ces différents sujets :
- le contexte réglementaire et législatif,
- les opportunités pour les entreprises de déployer un PDME,
- les bonnes pratiques pour le faire,
- les nouveaux services de mobilité proposés par l’AOM.
Elle permet de renforcer la position des référents mobilité d’entreprises et de convaincre les responsables des ressources humaines ou les dirigeants d’entreprises eux-mêmes de l’utilité d’un PDME. Le déploiement d’outils de promotion et de communication sur la mobilité à destination des entreprises du territoire est donc un premier élément important, voire indispensable. Il peut se matérialiser par :
- la diffusion d’une « newsletter mobilité » auprès des entreprises,
- l’animation d’un comité de référents mobilité d’entreprises,
- la mise à disposition d’informations sur un site web ou au travers d’un réseau social professionnel comme LinkedIn par exemple,
- la tenue de réunions d’informations présentant les différents aspects des nouvelles mobilités, en présentiel ou en virtuel, sous forme de « webinaires ».
Le conseil aux entreprises
Un PDME n’est pas un exercice trivial pour une entreprise. Il lui faut tout d’abord identifier et comprendre les différentes étapes de la démarche (analyse de la situation, des pratiques, identification des axes d’amélioration, définition du plan d’action, déploiement et communication), puis franchir les écueils « techniques » liés à l’exploitation et la mise en forme des données, ou tout simplement l’animation d’ateliers de co-construction du plan d’action. Le rôle que peut jouer l’AOM dans ce contexte est d’apporter de l’expertise et de la connaissance pratique aux dirigeants d’entreprises d’abord (dirigeant, directeur des ressources humaines…), puis, plus directement et plus opérationnellement, aux référents mobilité en charge du PDME, afin de les accompagner dans la planification, la réalisation et le déploiement de leur PDME. L’AOM peut également utiliser ce vecteur pour proposer des études mobilité dans le cadre de la localisation ou de relocalisation d’une entreprise sur le territoire, et être ainsi directement au service de l’attractivité économique de celui-ci.
Le « chèque PDME »
Afin de populariser la démarche PDME auprès des entreprises de leur territoire et « d’amorcer » un mouvement à grande échelle de prise en compte par les entreprises du sujet de la mobilité, certaines AOM peuvent également choisir de proposer la prise en charge complète de la réalisation du PDME de certaines entreprises « pilotes ». Le choix de ces entreprises pourra se faire selon différents critères :
- géographique, pour couvrir l’ensemble du territoire,
- de notoriété, en sélectionnant quelques entreprises connues et représentatives du tissu économique local,
- ou encore en privilégiant les associations d’entreprises (associations de zones d’activité) pour multiplier l’impact.
L’objectif de cette démarche n’est pas de financer l’ensemble des PDME de chacune des entreprises du territoire, mais bel et bien de communiquer au travers de ces entreprises pilotes, en direction de l’ensemble des entreprises du territoire, afin de les inciter à initier elles aussi une telle démarche.
La plateforme logicielle d’information et d’assistance à la réalisation d’un PDME
Une autre possibilité pour l’AOM est de développer ou de mettre à disposition une plateforme logicielle permettant à la fois de diffuser de l’information sur le sujet de la mobilité auprès des entreprises, mais également de leur fournir un certain nombre d’outils techniques permettant d’outiller – et donc de faciliter – leur démarche de PDME. Cette plateforme peut regrouper des modules facilitant la phase d’analyse de l’existant, de création et d’exploitation d’une enquête sur les pratiques de mobilité, ou de création du plan d’action. Elle peut également servir de plateforme de recueil des PDME finalisés par les entreprises.
La formation des référents mobilité à l’accompagnement au changement
Le dernier point sur lequel l’AOM peut proposer une assistance porte sur la formation des référents mobilité à la conduite du changement. En effet, un PDME, même parfaitement conçu, n’est rien si l’entreprise ne parvient pas à obtenir l’adhésion et l’engagement de ses collaborateurs. Pour parvenir à obtenir des changements de comportement de leur part, il faut donc être à même de communiquer efficacement et d’utiliser des techniques de communication et d’accompagnement au changement inspirées notamment de la psychologie sociale, tels que les « nudges », par exemple. La création et l’animation de modules courts de formation sur l’accompagnement au changement à destination des référents mobilité d’entreprises est donc également un outil que les AOM peuvent utiliser pour accompagner les entreprises sur ce volet de leur PDME.
Ces solutions – prises ensemble ou séparément – peuvent permettre à une AOM de bâtir une stratégie afin de favoriser le déploiement de PDME par les entreprises de leur territoire. Pour rendre cette stratégie opérationnelle, l’AOM devra cependant veiller à identifier et impliquer dans la démarche les partenaires qui pourront lui servir de relais – mais aussi l’éclairer sur la connaissance du tissu économique local. Parmi ces partenaires, on retrouve :
- au sein même de l’AOM : la Direction du Développement Économique,
- des interlocuteurs institutionnels du territoire : CCI, Union Patronale,
- des clubs et associations d’entreprises : associations de zone d’activité, associations sectorielles, clubs de dirigeants, associations de responsables RH…,
- mais également les opérateurs de mobilité eux-mêmes, qui ont souvent des programmes à destination des entreprises, et sont donc eux aussi capables de relayer cette démarche.
De l’articulation et de l’animation de cet écosystème – complémentaire au « Comité des partenaires » instauré par la LOM – dépendra aussi fortement le succès de la démarche mobilité de l’AOM en faveur des PDME.
Yves Daumas, directeur régional sud chez ekodev
Cette publication a bénéficié d’une aide financière de l’ADEME, néanmoins les propos n’engagent que la responsabilité de l’auteur.