En décembre 2015, le gouvernement a lancé sa quatrième campagne de labellisation des Eco-quartiers. Ces éco-quartiers qui fleurissent depuis quelques années dans de nombreuses villes de France sont souvent présentés comme une solution pour construire des villes plus durables.
Et sur le papier, ces éco-quartiers semblent en effet réunir beaucoup d’atouts, puisqu’ils intègrent en principe les trois volets du développement durable :
- le social, en offrant des logements dans toutes les gammes de prix, pour favoriser la mixité sociale,
- l’économique, en créant une mixité fonctionnelle autour de commerces de proximité, d’activités tertiaires et artisanales, voire de petites industries,
- et l’environnemental, en limitant les consommations énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre (bâtiments basse consommation, déplacements en transports en commun).
Mais qu’en est-il en pratique ?
Les exemples fournis par les éco-quartiers déjà construits présentent des réalités diverses. Si certains projets font état de résultats intéressants, globalement on peut cependant se demander dans quelle mesure les éco-quartiers contribuent réellement à construire une ville durable.
Maîtriser l’étalement urbain
A cet égard, on peut tout d’abord s’interroger sur la localisation des éco-quartiers et leur implication dans l’étalement urbain. Si l’on veut limiter l’étalement urbain, les éco-quartiers ne devraient être construits que sur des sols déjà artificialisés (friches industrielles ou portuaires, reconstruction de quartiers existants). Mais, en pratique, la construction d’éco-quartiers aboutit bien souvent à un accroissement de l’artificialisation des terres.
Dans une ville du Grand Ouest, par exemple, 35 hectares en friche d’une ancienne terre maraîchère ont été aménagés en une zone urbaine en voie de labellisation éco-quartier. Dans le contexte actuel où les terres agricoles disparaissent au profit de l’étalement urbain au rythme d’un département tous les 8 ans, ce choix d’aménagement qui s’affiche en faveur du développement durable peut sembler contestable.
Responsabiliser les habitants
De plus, il serait trompeur de penser que l’éco-quartier peut fonctionner sans l’effort de ses habitants et que les progrès dans la technologie des bâtiments feront seuls le travail. Même sur le thème de l’énergie, où la technique a un rôle important, elle n’est pas forcément suffisante pour assurer un fonctionnement vraiment durable.
Ainsi, le retour d’expérience du premier éco-quartier français, la ZAC de Bonne à Grenoble est plus que contrasté. Selon une étude d’Enertech sortie fin 2011, aucun des bâtiments de cet éco-quartier n’atteint les performances énergétiques prévues. En cause, d’une part des erreurs de conception, sans doute liées au caractère novateur de ce projet lors de sa réalisation, mais également le comportement des usagers, en particulier pour le chauffage : les habitants ne respectent pas la température de 19°C, qui avait été retenue comme température de consigne, et ajoutent même des chauffages d’appoint lorsque le thermostat est bridé.
Cet exemple montre bien que la technologie seule ne peut pas assurer la transition énergétique. Les éco-quartiers ne sont en aucun cas une solution pour épargner à la population des efforts et une remise en cause de ses habitudes.
Prendre en compte le fonctionnement global de la ville
Les éco-quartiers présentent des réalités diverses, et il n’est évidemment pas question de rejeter en bloc des tentatives souvent intéressantes. Mais ils ne sauraient dispenser d’une réflexion plus globale sur le fonctionnement durable de la ville, aussi bien dans ses enjeux environnementaux qu’au plan social et économique.
Construire une ville durable, c’est concilier développement économique, emploi, équilibres sociaux, qualité de vie, préservation de l’environnement… Tout ceci, évidemment, en coresponsabilité avec les habitants et les acteurs économiques, et à l’échelle de l’ensemble de la ville, pas seulement d’une juxtaposition de quartiers privilégiés.
En conclusion, les éco-quartiers peuvent être des laboratoires d’essai pour tester de nouvelles pratiques ou des solutions techniques, mais ils ne doivent pas dispenser les collectivités de mettre en œuvre un urbanisme innovant et ambitieux.